Durance enjeux d'un bassin versant
Dossier
Eau Eau et rivières

[DURANCE] Les enjeux d'un bassin versant

Publié le 17 janvier 2025

Longue d’environ 323 kilomètres, la Durance prend sa source à Montgenèvre (Hautes-Alpes), et se jette dans le Rhône à Avignon (Vaucluse). C’est la plus importante rivière de Provence, et son bassin versant couvre 14 225km².
La Durance est au cœur de grands enjeux de société comme le partage de la ressource en eau et les défis du changement climatique pour les territoires, la protection de tous les habitants & les habitantes contre les risques liés aux inondations, l’accès du public à la rivière et la cohabitation des différents usages… 

Contexte : quelques chiffres et un peu d’Histoire

Rivière dite « capricieuse » et autrefois redoutée pour ses crues aussi bien que pour ses étiages, la Durance est une rivière à la fois alpine et méditerranéenne à la morphologie bien particulière. Elle était ainsi appelée « le troisième fléau de la Provence », la tradition provençale voulant que les deux premiers soient le Mistral et le Parlement d’Aix.

L’eau issue du bassin versant de la Durance permet d’alimenter en eau ¾ de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et représente entre 3 et 6 milliards de m³ d’eau par an. Le bassin versant de la Durance permet d’alimenter en eau une partie de la population de 5 départements sur 6 de la région, soit environ 3 millions d’habitants, grâce à un système de canaux qui amène l’eau dans les villes littorales. 

Bassin versant de la Durance
Source : Maison Régionale de l’Eau
¾
de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est alimenté en eau par le bassin versant de la Durance

Cadre juridique, gouvernance et planification

La politique de l’eau en France est fondée sur quatre grandes lois et encadrée par la directive-cadre européenne sur l’eau publiée en 2000. Ce texte définit la notion de « bon état des eaux », vers lequel doivent tendre tous les États membres, dont la France. La gestion de la ressource en eau et des milieux aquatiques s’opère à l’échelle des grands bassins hydrographiques, selon un principe de concertation entre usagers, élus et État. Le territoire français est découpé en 12 bassins. 

EN SAVOIR PLUS

Voir aussi la partie «Dialogue et démocratie territoriale»

Ressources en eau

Des cimes alpines à la plaine avignonnaise, la Durance et ses affluents s’écoulent dans des territoires d’influences géographiques, géologiques et climatiques diversifiées. Il en résulte une grande variabilité dans le fonctionnement hydrologique de ce bassin, tant spatiales que temporelles. 

Ressources disponibles ou potentielles

Le bassin est jugé “productif”, avec de 3 à 6 milliards de m³/an d’eau selon les années. Les débits de la Durance augmentent naturellement d’amont en aval, grâce aux apports des affluents :

Principaux usages anthropiques

Malgré une disponibilité inégale, Durance et affluents constituent de longue date une ressource en eau majeure de la région. Les prélèvements pour répondre à nos besoins interviennent essentiellement des eaux de surface, les eaux souterraines ne représentant que 14% des eaux utilisées en région, et ce en raison des transferts d’eau entre amont et aval du système Durance-Verdon.

Partage & gestion de la ressource en eau

Les notions de “rivière - lien entre les hommes et les territoires”,  de solidarité amont - aval prennent en Durance une signification plus engageante encore qu’ailleurs, en raison des nombreux et anciens aménagements développés par les hommes sur son bassin. 

L’inégale disponibilité de la ressource a en effet motivé les occupants des territoires duranciens et provençaux à construire dès le XIIe siècle de nombreux canaux permettant d’acheminer l’eau vers des secteurs pauvres en ressource hydrique. Cet aménagement du territoire autour des ressources en eau s’est poursuivi jusqu’au XXe siècle, avec l’aménagement agro-industriel Durance-Verdon, vaste ensemble multi-usages incluant réservoirs (stockage d’eau en période abondante), barrages, centrales hydroélectriques, un canal long de 250km entre Serre-Ponçon et l’étang de Berre… 
 

Biodiversité & patrimoine naturel

S’étendant des hautes montagnes des Alpes à des zones humides au sein de la Provence sèche sous influence du climat méditerranéen, le bassin de la Durance constitue un espace naturel extrêmement riche de la façade méditerranéenne.

Un écosystème unique et varié

La Durance et ses affluents, milieux humides au sein d’une Provence sèche, sont un véritable hot-spot de biodiversité. Trait d’union entre Alpes aux zones de plaine et milieux méditerranéens, la Durance constitue un corridor écologique majeur et facilite les échanges génétiques entre populations d’espèces. 

Le caractère en tresses de la Durance et de ses rivières est à l’origine d’une grande diversité de milieux : gravières, galets et sables, iscles et rives régulièrement remaniées, ripisylves (forêts rivulaires), zones humides, marais et bras morts… Ce sont autant d’habitats essentiels à une flore et une faune variées. Citons côté flore le saule et le peuplier noir, la petite massette ou la Petite-centaurée de Favarger, que l’on ne trouve nulle part ailleurs en France. Nombreux sont les records du bassin en terme de faune : 24 espèces de chauves-souris (dont le rarissime Murin de Capaccini), 260 espèces d’oiseaux (dont la quasi-totalité des effectifs régionaux d’Hirondelle de rivage), 41 espèces de libellules, 50% des papillons de jour de la région, des poissons dont l’apron du Rhône (en danger critique d’extinction) ou la truite sauvage, des insectes rares, et autres mammifères emblématiques : castor, loutre (réapparue ces dernières années), sans oublier la cistude d’Europe (seule tortue d’eau douce en France).

Une richesse fragile face aux pressions humaines

Les prélèvements d’eau pour l’irrigation modifient les débits, affectant la dynamique naturelle des écosystèmes. Les nombreuses activités humaines dans ce bassin et les aménagements que ces activités ont pu entrainer ont nécessairement transformé les milieux originels. Ainsi, les prélèvements d’eau pour l’irrigation modifient les débits, affectant la dynamique naturelle des écosystèmes. Ils accentuent la baisse naturelle des débits en été, ce qui, associée à l’augmentation des températures aggrave le stress pour les écosystèmes aquatiques et les espèces endémiques.

Les prélèvements massifs de granulats dans le passé et certains encore effectifs en bord de rivière affaiblissent la capacité de stockage d’eau. Les activités agricoles (notamment les pesticides) et industrielles peuvent être à l’origine de dégradations ponctuelles de la qualité de l’eau, mettant en danger les espèces aquatiques sensibles.

Les microcentrales hydroélectriques, bien qu’étant une source d’énergie renouvelable, ont des impacts significatifs sur les rivières de montagne, notamment dans les Alpes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et tout l’arc Alpin en général. (Voir la section «Lire plus»)

Qualité des eaux

Plusieurs sujets entrent dans ce thème

  • qualité d’eau pour les milieux,
  • qualité d’eau des ressources souterraines, 
  • qualité d’eau pour les usages humains (eau potable, mais aussi eaux de baignade, eau d’irrigation, etc.). 

La qualité d’eau pour les milieux et pour les eaux souterraines est un des objectifs majeurs de la Directive Cadre Européen sur l’eau (DCE). Elles sont en effet une des composantes du bon état des milieux aquatiques et des ressources. 

La qualité des eaux et des milieux est à rechercher également dans un objectif purement humain : une eau de qualité dès le prélèvement permet de limiter les traitements de potabilisation, et donc leurs coûts. Cela implique aussi de ne pas dégrader les milieux par nos eaux usées et donc de disposer de traitements d’épuration suffisants.

 

Plan large

Dans le bassin durancien, les sources de pollution potentielles sont nombreuses et liées aux activités humaines (installations = villes, agriculture, industries, transports…) et à la façon dont ces dernières s’exercent dans les territoires. 

Aujourd’hui, et avec un regard très large, la qualité chimique (pesticides, contaminants, nutriments) et bactériologique des eaux souterraines et de surface à l’échelle du bassin versant peut être qualifiée de globalement satisfaisante. Cette qualité des eaux de la Durance et de sa nappe est «probablement soutenue par un effet de dilution en raison de sa puissance» (projet de SAGE Durance, dossier de consultation pour la définition du périmètre et de la composition de la CLE, SMAVD 2020).

Consulter le rapport «État des eaux de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerrannée-Corse»

Concilier milieux & aménagement du territoire pour limiter les risques

Le risque inondation est bien présent en Durance et dans son bassin versant. En témoigne l’expression de fléau de la Provence au sujet de la Durance, dont les crues ont rythmé la vie dans les territoires, jusqu’à la construction de Serre-Ponçon qui a profondément modifié le fonctionnement de la rivière. 

État des lieux

Les affluents de la Durance sont tout aussi concernés par des enjeux de gestion du risque inondation. Selon qu’ils soient torrent de montagne ou affluent plus en aval, les spécificités de terrain et les fonctionnements hydrologiques diffèrent (avec des périodes de crues plutôt au printemps ou à l’automne). Le système de la Durance et ses affluents sont un système particulièrement actif sur le plan morphologique (rivières en tresses, caractérisées par une pente, un fort transport sédimentaire, et des débits pouvant être conséquents). 

Le point de vue de FNE

Si les approches actuelles des risques inondation visent toujours à protéger les populations, ou tout au moins limiter leur exposition et les dommages potentiels, elles ne s’appuient plus seulement sur les ouvrages mais cherchent aussi à comprendre et préserver le bon fonctionnement physique de la rivière et de ses affluents, certains dysfonctionnements pouvant être dévastateurs (érosion, glissements…). 

Ces approches se traduisent dans le bassin durancien par de nombreux outils de prévention – gestion de ce risque inondation, adaptés à des échelles plus ou moins vastes (partie de bassin, sous-bassin, communauté de communes…) et à des enjeux particuliers.

Démocratie territoriale : dialoguer, co-construire, nous adapter

Sur le vaste territoire durancien, interviennent de nombreux acteurs : État et ses services, Région, collectivités locales, mais aussi acteurs économiques (EDF, monde agricole, industrie ou artisanat, acteurs du tourisme…) ou associatifs (associations de pêche, de consommateurs, de protection de la nature…). 

La gouvernance en Durance

 

Imaginer et bâtir ensemble notre territoire pour demain soulève de multiples questions. La gouvernance revêt ainsi une dimension particulièrement importante pour nous projeter dans l’avenir et envisager les adaptations face à l’avenir : 

  • Redonner une vraie place à nos milieux naturels,
  • adapter nos demandes en eau, 
  • [re-]penser - hiérarchiser nos besoins, jusqu’à réduire voire renoncer à certains
  • Adapter nos sociétés (installations, activités, économies, esprits, systèmes juridiques et assurantiels) aux prochains évènements extrêmes…

La Commission Locale de l’Eau (CLE) réunit aujourd’hui les principaux acteurs de ce bassin versant. Au regard des nombreux usages et des fortes interdépendances au sein du bassin versant et avec les territoires voisins desservis, cela nécessite aussi un dialogue et des synergies approfondis entre acteurs du bassin et avec ces territoires desservis. 

Pour FNE Provence Alpes Côte d’Azur, l’animation à donner à cette instance devra convaincre ces acteurs d’avancer dans un esprit de conciliation et dans un objectif d’intérêt général.

  • Partager la connaissance, mettre les méthodes et modèles pour affiner les prospectives locales 
  • Écouter les territoires, les différentes catégories d’usagers ou d’acteurs, et dans un second temps pour parvenir à un diagnostic voire une vision partagée de ce grand bassin
  • Associer (niveau d’association à ajuster selon les envies locales, les enjeux, les besoins…) les acteurs d’échelle supérieure (acteur de niveau régional, bassin Rhône Méditerranée, national, européen…) ou de territoires voisins pour échanges d’expérience, permettre une prise de recul ou un changement de point de vue
  • Faire émerger des initiatives, plus ou moins locales, portées par des acteurs de terrain, quelque soit leur technicité, 
  • Répondre déjà aux impacts du changement climatique en mettant au point des amorces de solutions très rapidement pour avancer vers cette gestion partagée et durable

sont des étapes indispensables pour vivre avec la Durance et ses affluents et imaginer / co-construire le territoire de demain.

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