
Les Alpes du Sud au défi de la transition écologique
Saisons manquées, différence de températures importantes entre le jour et la nuit due à l’altitude, érosion des sols, pentes, gestion difficile de la ressource en eau mais aussi beauté sauvage des paysages avec un écosystème abritant une flore et une faune spécifique… Les milieux montagneux ont des propriétés « extrêmes et fragiles ». Dans ce dossier FNE Provence-Alpes-Côte d’Azur revient sur la définition de la montagne, son histoire avec les politiques d’aménagement et de préservation de ces espaces sauvages mais aussi de ses nouveaux défis à relever face à la perte de biodiversité et au changement climatique.
«Montagne» : de quoi parlons-nous ?
En France métropolitaine, la loi montagne (1985) définit les zones de montagne comme étant des communes ou parties de communes où l’utilisation de l’espace implique des investissements onéreux dus :
soit à des conditions climatiques très difficiles liées à l’altitude ;
soit à de fortes pentes, en moindre altitude, telles que la mécanique y est impossible ou à des coûts importants ;
soit la combinaison des deux facteurs ci-dessus.
La montagne et les politiques territoriales d’aménagement
En France, la politique de la montagne d’après 1981, qui permet à la loi Montagne de voir le jour en 1985, est incontestablement originale. Bien qu’elle marque, comme nous le verrons, une rupture avec les procédures traditionnelles de l’aménagement du territoire, elle s’inscrit néanmoins dans une sorte de continuité d’une politique d’aménagement de la montagne déjà ancienne. Petit tour d’horizon…
Des déboisements au reboisement
Depuis le temps des Gaulois jusqu’au milieu du 19ème siècle, le déboisement a été continu. Les causes en sont anthropiques : guerres (retranchements, fortifications…), industrie, bois de chauffage (la montagne est alors assez peuplée avec 135 000 habitants haut-alpins en 1850, contre 85000 en 1945). Les paysages étaient très minéraux. Ainsi, le déboisement et le surpâturage contribuèrent à une érosion des sols et à une activité torrentielle intense avec de fortes crues autour de 1856.
Une volonté de développement

L’essor du ski alpin et du tourisme
(…) L’avenir de l’économie de montagne se trouve désormais dans les ressources en provenance du tourisme complétées par les ressources agricoles dont une partie importante pourra être valorisée sur place grâce à la consommation par les touristes (…) » Philippe Lamour, Note pour Ceillac et le Queyras (1957)*
D’une économie agricole basée sur l’élevage avant l’exode rural, les années 70 marquent un tournant dans l’histoire de ces territoires avec l’aménagement de la montagne pour accueillir le ski.
*cité dans «Les inondations sur le bassin versant du Guil du XVIIIè au XXè siècle», Denis Coeur
L’avènement du barrage de Serre-Ponçon : vers une maitrise des risques et de l’énergie
Dès le XIXe siècle, notamment après les crues dévastatrices de 1843 et 1856, la construction d’un barrage est envisagée. Les sécheresses de 1895 et 1896 font à nouveau ressentir la nécessité d’un aménagement hydraulique.
Les infrastructures de transport et la mobilisation de la société civile
En fin d’année 2019, la promulgation de la loi Orientation et mobilité (LOM) a rebattu les cartes de l’organisation et de l’encadrement des transports français. Objectifs de cette nouvelle ligne directrice : sortir de la dépendance à l’automobile en développant les nouvelles formes de mobilité, dans le cadre d’une transition écologique à l’horizon 2040. Centré sur les transports du quotidien, le plan d’investissement favorise notamment le ferroviaire ainsi que le développement de solutions de transport alternatives et innovantes, surtout dans les territoires les moins desservis et peu denses.
Si, pour notre mouvement, la mobilité via des modes actifs ou collectifs est une priorité, qu’elle en est la réalité dans les Alpes du Sud ?
Un espace naturel à préserver : de la loi montagne aux parcs nationaux
À l’origine, les politiques en faveur de la montagne étaient essentiellement sectorielles et autonomes les unes par rapport aux autres. Elles s’attachaient à compenser les « handicaps » naturels de la montagne, en toute priorité pour l’agriculture de montagne.
Depuis l’adoption de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne (dite «loi Montagne»), l’Etat vise à encourager un développement global durable, permettant un équilibre entre le développement économique (favorisant le maintien et le développement des activités) et la protection des espaces naturels. Les mesures adoptées peuvent par exemple lier agriculture et environnement ou aménagement (notamment touristique) et environnement. Parmi les grands thèmes de la politique de la montagne citons : l’aménagement touristique, le soutien à l’agriculture de montagne et à la forêt, la prévention des risques naturels, la protection des paysages et la maîtrise de l’urbanisation.
Dans notre région, la «loi Montagne» s’applique sur le massif des Alpes du Sud. Les communes soumises à la Loi Montagne en région Provence-Alpes-Côte d’Azur sont :
Dans le 05, l’ensemble des 177 communes sont concernées par la loi Montagne
28 communes le sont dans le Var ainsi que dans le Vaucluse,
183 communes sont concernées dans les Alpes-de-Haute-Provence,
119 dans les Alpes-Maritimes.
Les parcs naturels des Alpes du Sud, espaces de protection forte
Les parcs nationaux ont pour missions principales : la préservation des espèces et des milieux, la connaissance et la transmission des savoirs et une bonne accessibilité du massif au public. Les espaces sauvages des Alpes du Sud ont bénéficié d’une protection juridique avec la création de deux parcs nationaux : celui des Écrins et celui du Mercantour.
Appréhender les nouveaux défis territoriaux

Les enjeux du changement climatique
Le climat des Alpes a toujours connu des fluctuations naturelles au cours de son histoire, mais les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère bouleversent son évolution depuis le début de l’ère industrielle. En moins de 150 ans, la température de l’air à l’échelle mondiale a augmenté d’environ 1°C. Ce chiffre masque de fortes inégalités spatiales. Dans les régions montagneuses de tous les continents, l’augmentation est beaucoup plus significative. Dans les Alpes du Sud, la hausse est proche de 2°C. Ce réchauffement qui se renforcera inéluctablement ces prochaines décennies, si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, joue un rôle fondamental sur la nature et l’homme.
Les impacts des aménagements et des activités humaines sur les milieux
Que ce soit pour fournir de l’énergie, pour l’enneigement des stations de ski ou encore pour le tourisme, les impacts sur ce milieu naturel fragile sont nombreux et notre mouvement s’en indigne régulièrement.
Retour sur quelques mobilisations clefs …
La modification des pratiques agricoles : de l’élevage aux fruitiers
Dans une grande partie des Alpes, les activités agricoles et pastorales traditionnelles ont façonné le paysage cultivé et jouent un rôle important dans le maintien de la biodiversité.
L’agriculture ancienne des Alpes se distingue par une association remarquable de l’élevage et de la culture.
Vers la cohabitation entre activités humaines et faune sauvage
La cohabitation entre les humains et la faune sauvage est un sujet qui revêt une importance majeure. En effet, la présence des humains dans l’écosystème peut entraîner des déséquilibres parfois irréversibles. Il est donc essentiel de mettre en place des stratégies de cohabitation respectueuses de l’environnement et de la faune. Cela passe par une meilleure compréhension des enjeux, mais également par une modification de nos comportements et attitudes. Les espèces sauvages, ont toutes un rôle à jouer dans le maintien de l’équilibre naturel.
Les événements sportifs de grande ampleur : le cas (très) particulier des JO 2030
«N’en déplaise aux ronchons, pratiquer la montagne et les sports d’hiver autrement ne veut pas dire ne pas les pratiquer.» Renaud Muselier a tenu à envoyer un message, mardi 18 février 2025, au premier jour du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) des Alpes 2030, à Lyon. Le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sait que la question environnementale sera brûlante au cours des cinq prochaines années, avant un événement qui promet la «sobriété» et une soit-disant nouvelle vision pour les territoires alpins.
La candidature française souffrait pourtant de nombreux écueils tant sur le fond - des JO sur le même modèle « tout ski » que ceux organisés durant les Trente Glorieuses et sans tenir compte des signes inquiétants du réchauffement climatique en montagne - que sur la forme : précipitation dans la décision, absence totale de concertation, enclavement et dispersion des sites olympiques, ressources financières des collectivités encore fragilisées par les dettes des JO précédents (1968 et 1992) et réduites par la crise énergétique actuelle…
Conclusion
Pour FNE Provence-Alpes-Côte d’Azur, la montagne doit devenir plus résiliente environnementalement et économiquement. Territoire d’exception, elle doit bénéficier d’une protection spécifique liée à sa fragilité intrinsèque. Le maintien des fonctionnalités écologiques de la montagne est un des remparts au dérèglement climatique que nous connaissons déjà. Il est impératif de le préserver et d’orienter tous nos moyens pour y parvenir.