Fil d'Ariane

Vivants : la nécessaire cohabitation
Cohabiter : vivre ensemble, sur un même territoire. Partager et respecter un même espace vital.
La cohabitation, ou le vivre ensemble, est l’un des piliers du mouvement France Nature Environnement.
Dans ce dossier, il sera question d’une relation Humain-Nature mouvementée, tourmentée mais toujours présente. Les dommages que subissent les milieux naturels, qui découlent de l’insatiable besoin de croissance des sociétés humaines, parfois au mépris de cette nature et d’autres humains, ont atteint un point critique. Les conséquences des bouleversements s’enchainent et s’accentuent, comme mille engrenages actionnés dans une machine frénétique. Pourtant ce lien avec la Nature demeure ineffaçable de nos mémoires culturelles mais aussi génétiques : la reconnexion avec le vivant appelle à se souvenir de ce lien, du monde que nous partageons.
Tribune : Quelle place au sauvage dans notre quotidien ?
Nous avons besoin de nous adapter à un nouvel équilibre pour cohabiter. Tous, animaux et plantes, ne font que survivre alors que nous détruisons leurs habitats. La Terre de nous appartient pas à nous seuls, il est nécessaire de changer pour ne pas devenir les seuls vivants demain d’une Nature qu’on aura vidée.
Patricia Levy-Léonesio, bénévole FNE Provence-Alpes-Côte d’Azur, réseau Biodiversité
Avant-propos :
Nous avons choisi de ne pas employer le mot «Homme» mais de lui préférer «humain», plus égal, moins genré et replaçant l’espèce dans son environnement. Nous évitons également d’employer le mot Nature qui a tendance à préfigurer espaces naturels et espèces comme étant séparés de l’humain, préférant le terme «le vivant, le monde vivant» pour désigner tous les vivants non-humains. Il nous semble qu’il y a un danger, ne serait-ce que sémantique, à opposer homme et nature, un risque à sanctuariser des espaces «purs et vierges» et d’oublier comment les deux peuvent cohabiter et s’adapter mutuellement.
Des relations humains-nature
Selon la définition classique, la biodiversité désigne «l’ensemble des êtres vivants ainsi que les écosystèmes dans lesquels ils vivent. Ce terme comprend également les interactions des espèces entre elles et avec leurs milieux.» Si l’on se sent si petit et insignifiant lorsqu’on prend la mesure de la quantité d’astres dans un ciel étoilé, l’homo sapiens semble avoir oublié son humilité lorsqu’il a conquis le monde et ses millions d’espèces : les estimations récentes des scientifiques évoluent de 8,7 millions à plusieurs milliards d’espèces, dont seulement 2 millions ont été répertoriées par les expert·es. Il partage pourtant ce monde, au même titre que le reste du vivant avec lequel il interagit et dont il dépend : nous posons ici le concept de cohabitation.
Pour définir la cohabitation, il faut retenir la notion d’interaction, c’est à dire des liens et conséquences d’une espèce sur l’autre (la prédation, la tolérance, la symbiose sont incluses). Pourtant, l’humain moderne ne semble plus cohabiter avec le reste du vivant tant la relation est déséquilibrée, pour ne pas dire dominée. La fatalité de la situation réside dans le fait que l’humain finit par subir les conséquence de la souffrance qu’il cause lui-même à la biodiversité (conséquences qui seront évoquées plus loin dans le texte), en dépit de tout ce qu’elle nous offre depuis toujours, gratuitement. Prendre conscience que cette nature nous est indispensable pour continuer à exister, et agir pour un monde vivable
Nous évoquions précédemment la mémoire : n’oublions pas que la cohabitation existait déjà du temps où l’humain était autant vulnérable que le reste du vivant. Nous sommes à présent contraints de la réinventer, afin de continuer à s’abriter, se nourrir, se reproduire, sur du long terme évoluer et s’adapter à un monde que l’on a profondément et quasi irrémédiablement changé.
«Cette nouvelle donne qui est la nôtre, cette nouvelle forme de cohabitation entre espèces différentes à la surface d’une Terre devenue bondée, intriquée, connectée. Une ère de vulnérabilité mutuelle où les plus sauvages cohabitent parmi nous, impactés par les effets de nos activités, par l’urbanisation et le changement climatique, en intégrant comme ils le peuvent ces transformations à leur forme de vie, sur lesquelles on n’a pas vraiment de prise» Baptiste Morizot
La Nature dans le droit est-elle suffisamment reconnue ?
C’est le 10 juillet 1976 qu’une loi structurante est votée déclarant la protection de la biodiversité d’intérêt général (article L 411-1 du Code de l’environnement). Cette loi introduit notamment :
- le statut d’espèces protégées (animales non domestiques et végétales non cultivées ; pour des spécimens morts ou vivants) ;
- les études d’impact pour infrastructures ;
- un statut pour l’animal (domestique) ;
- des nouveaux statuts d’espaces protégés (réserve naturelle, arrêté préfectoral de protection de biotope…) ;
Les espèces non citées sont considérées en droit comme des «res nullius» (= des choses), ce qui traduit bien la vision anthropocentrée de notre système juridique.
État de la biodiversité
L’histoire de l’humain et de son impact à travers le temps ont conduit à la crise sans précédent que connait la nature. À force de l’observer, la suivre, la quantifier, de nombreux spécialistes sont en alerte (si ce n’est à son chevet) quand à l’état de la biodiversité. Les espèces disparaissent de plus en plus vite et le renouvellement des populations est de plus en plus difficile.
Pollutions
Les sources de pollutions sont aussi diverses que leur effets, et peuvent atteindre les milieux aérien, terrestre ou aquatique : particules fines et ultrafines, gaz à effet de serre, molécules organiques volatiles, matériaux non dégradables (plastiques de toutes tailles), produits chimiques, métaux lourds, pollutions lumineuses et sonores… Sur le territoire régional, certains secteurs sont soumis à des niveaux de contaminations élevés de ces nuisances, principalement à proximité des grandes métropoles, des sites industriels (Marseille, Toulon, Nice, Avignon), des axes de communication (vallée du Rhône, de la Durance) et des grands secteurs de productions en monocultures intensives.
Pesticides, Ecophyto, protection des pollinisateurs
Les « pesticides » regroupent les insecticides (dont les néonicotinoïdes), destinés à éliminer les insectes nuisibles aux cultures, les fongicides, ciblant les maladies des plantes dues à des champignons, et les herbicides (dont le glyphosate), pour l’élimination des « mauvaises herbes » concurrentes des cultures.
Dans notre région, la vallée du Rhône est particulièrement touchée par ce phénomène.
Fragmentation et dégradation des habitats
Dans le monde, la déforestation est le premier facteur de perte d’habitats : 290 millions d’hectares de couverture forestière ont disparu entre 1990 et 2015. En France, la principale cause de perte, fragmentation et dysfonctionnement des habitats naturels est liée aux changements d’occupation des sols, du fait de l’augmentation de l’urbanisation et des cultures agricoles et sylvicoles intensives.
Urbanisation - ou comment dégrader les espaces naturels à grande échelle
En France, la principale cause de perte, fragmentation et dysfonctionnement des habitats naturels est liée aux changements d’occupation des sols, du fait de l’augmentation de l’urbanisation et des cultures agricoles et sylvicoles intensives. (Nature France)
En France, entre 2006 et 2015, plus d’un demi-million d’hectare de terres agricoles et espaces naturels ont disparu dont la moitié transformée en surfaces goudronnées.
Agir pour stopper la dégradation des écosystèmes
En Europe, 81% des habitats protégés et 63% des espèces sont dans un état de conservation mauvais ou moyen. Heureusement, comme nous cicatrisons de nos blessures, la nature est capable de se rétablir et la solution pourrait être de miser et favoriser cette résilience.
Des espèces devenues emblèmes de combats face à la dégradation des habitats
Dérèglement climatique : adapter nos usages
La température la moyenne régionale devrait augmenter de +1,6 à +2,2 °C d’ici 2050 selon les projections du GIEC. En même temps, la fréquence ainsi que l’intensité des journées chaudes et vagues de chaleur s’intensifient alors que les journées froides et jours de gel régressent, en particulier en moyenne montagne : le nombre annuel de jours de gel à Embrun (une centaine) devrait être divisé par deux d’ici la fin du siècle, d’après le GREC Sud) pourtant ce froid est nécessaire pour de nombreuses espèces animales mais aussi végétales adaptées à ces milieux et ces contraintes. Enfin, le dérèglement climatique en région PACA a également pour conséquence la hausse d’évènements extrêmes telles que les tempêtes ou les sécheresses qui ont des effets néfastes sur les habitats, les espèces, et la société humaines. A noter que l’artificialisation des sols potentialise les dégâts par exemple des inondations (puisque le sol ne peut absorber l’excédant d’eau).
L’accentuation et le prolongement des périodes de sécheresses, couplée à la baisse du cumul de précipitation exercent une tension sur l’équilibre des cours d’eau ( baisse du débit, étiages plus marqués, assecs…) ainsi qu’une pression croissante sur les masses végétale (évapotranspiration excessive et stress hydrique voire mortalité). A l’échelle globale hausse des sécheresses se poursuivra au cours du siècle à un niveau qui dépendra de l’impact de l’humain sur le climat via ses émissions de GES.
